Le Miracle de la Pleine Conscience
Thich Nhat Hanh
L’Espace bleu, 1994
Pourquoi méditer? Tout d’abord, parce que chacun d’entre nous a besoin d’un repos total. Même une nuit de sommeil ne procure pas un repos complet. Se tourner et se retourner dans son lit, les muscles du visage tendus, rêver toute la nuit, ce n’est pas du repos! Faire une courte sieste après avoir mangé mais être néanmoins agité et tendu, ce n’est pas du repos non plus!
L’assise
Allongé sur le dos, les bras et les jambes droites, sans être tendus, pas d’oreiller sous la tête, voilà une bonne position pour pratiquer la respiration et détendre ses muscles. Cette position de méditation ne permet pas d’aller aussi loin que la position assise, car on s’y endort facilement. Il est possible de trouver un repos complet dans la position assise, ce qui permet d’approfondir sa méditation et de résoudre les inquiétudes et les problèmes qui obscurcissent et inhibent la conscience.
Parmi les travailleurs Vietnamiens, nombreux sont ceux qui s’asseoient dans la position du lotus, le pied gauche placé sur la cuisse droite et le pied droit sur la cuisse gauche. D’autres s’asseoient en demi-lotus, pied gauche sur la cuisse droite ou pied droit sur la cuisse gauche. Dans notre cours de méditation à Paris, certaines personnes ne se sentaient pas à l’aise dans ces postures, aussi leur ai-je montré comment s’asseoir à la manière japonaise, c’est-à-dire à genoux. En mettant un coussin sous ses pieds, il est possible de rester assis pendant plus d’une heure et demie. Malgré tout, n’importe qui peut apprendre à s’asseoir en demi-lotus, même si les débuts sont un peu douloureux. En quelques semaines de pratique, la position deviendra progressivement confortable.
Pendant la période initiale, lorsque la douleur se fait gênante, alternez la position des jambes ou changez de posture. En lotus ou demi-lotus, il est indispensable d’utiliser un coussin pour s’asseoir afin que les deux genoux touchent le sol. Ces trois points de contact avec le sol permettent d’obtenir une position extrêmement stable.
Il est important que le dos soit bien droit, la nuque et la tête droites, alignées avec la colonne vertébrale, sans rigidité, le regard fixé à un mètre ou deux devant vous.
Commencez alors à suivre votre respiration et détendez tous vos muscles. Concentrez-vous sur la rectitude de votre colonne vertébrale et sur votre respiration. Pour tout le reste, lâchez prise. Abandonnez tout. Si vous voulez relaxer les muscles de votre visage tendus par l’anxiété, laissez fleurir un demi-sourire; lorsque celui-ci naît, tous les muscles faciaux commencent à se détendre. Plus le sourire est là, mieux vous vous sentirez. Le sourire illumine le visage du Bouddha.
Placez votre main gauche, paume vers le ciel, dans votre paume droite. Détendez tous les muscles des mains, des doigts, des bras et des jambes. Lâchez prise, laissez tout aller, comme ces plantes aquatiques qui passent au fil du courant alors que, sous la surface de l’eau, les rochers demeurent immobiles. Ne vous attachez à rien d’autre qu’à la respiration et au demi-sourire.
Il est préférable que les débutants ne s’assoient pas plus de vingt ou trente minutes, période suffisante pour obtenir un repos total. La technique pour atteindre cette détente complète est fondée sur deux points: observer et lâcher prise; observation de la respiration et lâcher prise de tout le reste. Relaxez chaque muscle de votre corps. Après environ quinze minutes, il est possible d’atteindre un état de calme profond rempli de paix intérieure et de joie. Maintenez ce calme et cette paix.
Ceux qui considèrent la méditation comme un dur labeur et attendent impatiemment qu’elle se termine pour pouvoir ensuite se reposer ne savent pas encore comment s’asseoir. Si l’on est assis correctement, on trouve dans l’assise une relaxation totale et la paix. Cela peut aider de méditer sur l’image du caillou jeté dans une rivière.
Le caillou
Comment utiliser cette image? Asseyez-vous dans la position qui vous convient le mieux, lotus ou demi-lotus, le dos bien droit, le demi-sourire sur le visage. Respirez doucement et profondément, en suivant chaque respiration, en devenant un avec le souffle.
Puis détachez-vous de tout le reste. Imaginez que vous êtes un caillou qui a été jeté dans une rivière. Ce caillou s’enfonce dans l’eau sans effort. Détaché de tout, il coule par le chemin le plus direct, pour atteindre le fond, point de repos parfait. Vous êtes vous-même ce caillou qui se laisse tomber au fond, en total abandon. Au centre de votre être se trouve votre respiration. Vous n’avez nul besoin de savoir le temps qu’il vous faudra pour arriver à cet endroit de repos complet, le sable fin du lit de la rivière. Lorsque vous vous sentez telle la pierre posée sur le fond, vous commencez alors à faire l’expérience de ce repos. Vous n’êtes plus poussé ou tiraillé par quoi que ce soit.
Si vous ne trouvez pas la joie et la paix dans ces moments d’assise, alors le futur lui-même ne fera que s’écouler tel un fleuve sans que vous puissiez le retenir; vous serez incapable de vivre le futur lorsque celui-ci sera devenu présent. La joie et la paix sont la joie et la paix accessibles dans cette heure même de méditation assise. Si vous ne pouvez les y trouver, vous ne les trouverez nulle part ailleurs. Au lieu de courir après vos pensées et de les poursuivre comme une ombre son objet, faites l’expérience de la joie et de la paix dans cet instant précis.
C’est votre moment. La place où vous êtes assis est votre place. C’est à cet endroit précis et en ce moment précis que vous pouvez vous éveiller. Il n’est pas nécessaire de s’asseoir sous un arbre particulier dans un pays lointain. Pratiquez de cette façon pendant quelques mois et vous commencerez à connaître une joie profonde et régénératrice.
La facilité avec laquelle vous vous asseyez dépend de l’importance de votre Pleine Conscience dans la vie quotidienne et de la régularité de votre pratique de la méditation assise. Chaque fois que cela est possible, retrouvez vos amis et vos proches et organisez une heure de méditation assise, par exemple le soir vers dix heures. Quiconque le désire peut venir s’asseoir une demi-heure ou une heure.